Des rubans de câbles se dilatent et se contractent comme une respiration, les mouettes survolent le cargo mais leur chant est inaudible, les dockers perdus dans des insectes géants manipulent les containers qui prennent soudain une grande légèreté, le quai est transféré sur le pont et les points de fuite horizontaux disparaissent dans des murs qui réduisent progressivement le champs visuel sur la coursive, le gris sonore laisse place au ronronnement des turbines, la luminosité décroît progressivement… l émulation du chargement est déjà loin derrière. Le calme a pris possession du navire. Derniers contrôles de l équipage avant de larguer les amarres.

0° / Deux dos bleus nuits logotés CGM-CMA / Deux fonds d’écran uniformisés avec icônes Office / Ouverture du classeur « Passenger » / Check-In : Passeport and Yellow fever / All is regular … Come on board.

180° / Un mur de formats standardisés / Contenu inconnu / Lignes brouillés par la fièvre du moment / Un logo bleuté trône au milieu.

90° / Un homme blond, yeux bleus glacier, pantalon beige, attitude nonchalante / Regard glacial posé de biais sur toutes les parties de mon corps / Examen de passage.

Sensation étouffante. Le bleu n’est pas toujours une couleur froide.

0° / Récit en trois blocs de bois doré / Chronologie fragmentée pour narrer 150ans d’histoire / Face à face avec quelques photographies sépia documentaires ou distractives / Westbound pour rechercher l’el dorado américain / Eastbound pour rejoindre l’émulation artistique européenne.

180° / Ruby Princess / Alignements de balconnets et autres vitrines où des touristes s’entassent pour avoir pignon sur la ligne d’horizon / Barques oranges chargées d’une histoire de titan / Possible zeste acide-amer pour réveiller les papilles d’un voyage en 5 étoiles flottant.

90° / Trois hommes chapeautés / Tâches acidulées dans le gris du port, porte du Monde / Pose devant une tablette format XXL / Assortis aux barques, leur rire raisonne et couvre le bruit incessant des moteurs / Odeur de fond, le gasoil s’entend.

1864 – 2014, 150 années liquéfiées dans la nuance orangée.

Arrivée au Havre… Commerce de masse ou tourisme de masse même combat… Les immeubles flottants barrent la ligne d’horizon.

Vendredi on me confirme que je pars le 27, lundi que je peux embarquer le mercredi matin et aujourd’hui : RDV quai des Amériques mercredi en fin de matinée pour partir en début de soirée.

Information donnée au compte-goutte, ça laisse diffuser l’excitation comme une injection d’adrénaline en intra-veineuse…

… et comme à chaque départ, se rendre compte que le reste n’est que futilité.

Au delà de 200 miles des côtes, les bateaux se trouvent en « Haute Mer » considéré comme bien public mondial. Et dans cette zone où la liberté prévaut, le seul ordre juridique est celui de l’Etat dont le navire bat le pavillon (celui de l’Herodote est le Royaume-Uni).

Liberté de survol, de pêche, de recherche, de construction et bien évidemment de navigation… Liberté légèrement entamée par le suivi du trafic maritime : http://www.marinetraffic.com/fr/ais/details/ships/235051085/vessel:CMA_CGM_HERODOTE

L’errance, elle, n’est pas géo-localisable.

7 -> 27 = -20j => 3 m = 12 s = 84 j => 42 j en mer + 42 j sur terre = équilibre = (souffle/empressement)

Historien et géographe de la Grèce antique, admirateur d’Homère, Herodote participa à l’élaboration de la liste des Sept merveilles du monde. Son unique oeuvre écrite s’intitule « Histoires » qui vient du grec Ἱστορία qui signifie « recherche, exploration » et se compose de 9 livres portant chacun le nom d’une muse.

« Muse, dis-moi l’homme inventif, qui erra si longtemps » Chant I L’odysée – Homère

Herodote comme présage d’une grande épopée pour traverser l’Atlantique tout en remontant le temps…